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Les Paysans Centrafricains offrent un asile doré à Kémi Seba

Front Anti CFA en Centrafrique
Photo de famille des manifestants du 16 septembre à Sao

Sur le front anti-CFA, l’ONG Urgence Panafricaniste et l’Association des Paysans Centrafricains s’unissent contre la monnaie coloniale en Afrique et invitent le leader du mouvement à rejoindre la capitale centrafricaine. C’est au cours d’une conférence avec la population organisée simultanément avec d’autres rassemblements autour du retrait des pays de la zone franc que le ton a été donné.

Alors que de nombreuses villes d’Afrique et du monde se sont levées pour dénoncer le mécanisme colonial du franc CFA, une rencontre d’information avec la population s’est déroulée aux bords du fleuve Oubangui devant un public diversifié, venu des quatre coins de Bangui. Initialement prévu à Bimbo, ville périphérique de la capitale centrafricaine, le rassemblement mondiale anti-CFA du 16 septembre lancée par l’ONG Urgence Panafricaniste s’est finalement tenue dans le 7ème arrondissement de Bangui, dans les locaux de l’Association des Paysans Centrafricains, où environs 200 personnes se sont réunies.

Bida Koyagbélé, président du mouvement Kité et de l’Association des Paysans Centrafricains, populaire dans le milieu anti-oligarchie française pour avoir refusé en 2015, la main de l’ambassadeur français Charles Malinas –pour dénoncer l’implication de la France dans la crise en RCA -, a devant l’assistance, invité l’activiste Stélio Gilles Robert Capo Chichi, alias Kémi Séba, à venir s’installer en République centrafricaine : « Kémi Seba est un fils d’Afrique. Si d’autres le chassent de chez eux, nous lui offrons la terre et l’hospitalité dont il a besoin pour mener à bien le combat qui est aussi le vôtre ». Le polémiste franco-béninois, expulsé du Sénégal où il a brulé un billet de 5000 francs CFA en forme de protestation en août dernier, devra bénéficier d’un hectare de terre arable et d’une demeure au bord du fleuve Oubangui dans le village Sao, a expliqué Jéhu Komboko, coordonnateur de l’APC.

Plusieurs activistes et membres de la société civile centrafricaine ont fait le déplacement pour rejoindre le rassemblement et « marquer l’adhésion de la jeunesse à cette lutte de toute une génération », a assuré le rappeur Azouka, de l’Organisation des Jeunes Leaders de Demain. Les rangs du désormais très célèbre front anti-CFA, dont l’objectif sur le long terme est de sortir définitivement de la zone CFA, se serrent. L’organisation devra compter les jours prochains l’arrivée de nouveaux résistants unis pour la cause.

Pour l’ONG Urgence Panafricaniste, le rassemblement du 16 septembre est la première d’une longue liste d’activités de sensibilisation, d’information et de formation adressées à la population dans le but d’éclairer sur la question du très controversé francs CFA. « Il est de notre devoir d’informer le peuple du danger que représente cette monnaie de servitude et d’en appeler à l’adhésion de tous les africains et amis de l’Afrique à rejoindre le mouvement » a martelé le représentant de l’organisation en Centrafrique.

Le débat autour du retrait des pays de la zone CFA atteint la République centrafricaine, alors qu’une crise politique et sécuritaire met à mal ce pays dont l’économie s’est renforcée de 4,5% en 2016, essentiellement grâce aux aides internationales.


Bangui : la ruée des déplacés vers l’eau

Femmes de cattins allant chercher de l’eau

Ils sont des milliers à briser la peur et regagner leurs domiciles, malgré la sécurité encore fragile dans le 3ème arrondissement de la capitale centrafricaine. Boulata, Sara-Kabba ou encore Kina se repeuple mais ce qui manque par-dessus tout, est pourtant un minimum vital : l’accès à l’eau « potable ».

Environ 127.933 personnes ont gagné les camps des déplacés au plus fort de la crise qui a ébranlé les quartiers de Bangui et ce, jusqu’à ce jour. Exposés sur les camps à toutes sortes de contaminations, les déplacées ont reçu à la mi-décembre de l’année 2016, une assistance financière du gouvernement centrafricain et tentent peu à peu de regagner leurs domiciles.

Depuis les retours progressifs, le même scénario se reproduit tous les matins. Des centaines de femmes viennent des plus bas quartiers du 3ème arrondissement et se précipitent vers le point d’eau le plus proche. Elles font la course pour l’eau. Au tour du seul puits encore serviable de la Cité Dameca, les files se dressent. Il est 11 heures 40 minutes et certaines n’ont même pas encore rempli leurs premières bassines.

Lucie est mère de quatre petits garçons, son calvaire est de parcourir trois à quatre fois par jour, près de 800 mètres pour chercher de l’eau pour sa famille. Avec courage elle raconte :

‘’Des corps ont été jetés dans la majorité des puits ici. Les puits ont été fermés ce qui fait que nous allons souvent jusqu’à l’Ecole Kpangaba tôt le matin avec les autres femmes du quartier pour trouver de l’eau. Je fais trois à quatre fois le chemin avant la tombée de la nuit et je vous assure que c’est pénible’’.

Pour cause, une vingtaine de Kiosques-bornes-fontaines réhabilités par l’ONG Oxfam à travers le PRESU (Programme de Réhabilitation Economique et Social en milieu Urbain), ont été vandalisés pendant la crise et créant ainsi ce vide. Aujourd’hui les personnes déplacées qui retournent, manquent d’eau non seulement pour leur besoins quotidiens mais également pour moudre la terre et reconstruire leurs maisons. Vers les quartiers peu touchés par la crise, les installations de la Société des Eaux de Centrafrique (SODECA) sont trafiquées et accueillent à longueur de journée, ces chercheurs d’eau.

« Je suis en train de reconstruire ma maison mais il me faut de l’eau. Je vais jusqu’à Boulata pour trouver de l’eau, grâce aux installations de la SODECA trafiquées par les habitants du quartier ». Même s’il reconnait que cette pratique n’est pas autorisée, Bienvenu Wessegonda, chef d’un ménage de huit personnes affirme que c’est l’unique possibilité d’avoir de l’eau.

La cohésion sociale autour de l’eau

Après les derniers événements qui ont occasionné l’assassinat d’un Pasteur et l’incendie de plusieurs habitations, de nombreuses familles ont encore regagnés les camps des déplacés de l’Aéroport Bangui Mpoko, craignant ainsi pour leur insécurité. Mais dans les quartiers, « il faut absolument surmonter la crise et remettre les choses en place ». C’est ce que veut un groupe d’autodéfense qui a vu le jour afin de barrer la route à d’éventuels débordements, explique Bienvenu Feibonazouï. Composé des jeunes valides du quartier Boulata, ce groupe d’autodéfenses a pour particularité de protéger les installations de la Sodeca et de sensibiliser la population à tourner la page de crise.

Alors que Lucie faisait part de sa peur d’aller dans certaines zones ou chez des particuliers pour chercher l’eau, Bienvenu F, de la rassurer :

 « Non, ce sont nos frères. Il faut que nous tournions la page et que nous demandions seulement au gouvernement et aux ONGs d’amener de l’eau et de l’électricité dans notre quartier ».

Bien que l’on note une baisse de 2,3% du nombre des déplacés dans tout le pays, de nouveaux déplacés sont enregistrés de jour en jour, en raison des affrontements réguliers entre les groupes armés. Ces déplacements massifs éloignent la population de plus en plus d’un accès à l’eau potable et à une bonne condition d’hygiène.